Le mystérieux "M. Viallard, ténor des Concerts de Paris".

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La légende Viallard.

Pendant plusieurs générations, les disques de Viallard demeuraient une légende.

L'hypothèse que selon Fred Gouin aurait enregistré dans sa jeunesse sous un autre nom demeurait parmi les étrangetés "discomaniques" et relevait plutôt de l'affabulation.

 

Il faut peut-être évoquer ici le souvenir d'un ami collectionneur Marc Béghin qui fut sans doute avec son ami André Anciaux, autre collectionneur, les premiers a trouver ces disques d'une extrème rareté.

 

Dans le "Haut-Parleur" du 11 janvier 1931, une interview demandée au chanteur, révèle en effet qu'il a enregistré quelques disques pour Odéon sous le pseudonyme de Viallard juste avant la guerre de 1914-18.

 

Malheureusement pour nous ce journaliste ne nous renseigne pas sur le choix de ce nom. Il ne nous renseigne pas non plus hélas pourquoi Fred Gouin a attendu jusqu'en 1926 pour revenir dans les studios de chez Odéon.

 

D'après Gérard Roig (+) de la revue Phonoscopies, les disques de cette période dateraient de 1912.

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Un ténor.

Au premier abord ce qui surprend est cette appellation "Ténor". Cela réhausse encore le débat... Fred Gouin serait ténor plutôt que baryton ? On sait pourtant bien qu'il est baryton. Pourtant à l'écoute de la face Margot reste au village on entend en effet une voix "ténorisante"  qui chante beaucoup plus dans l'aigu que dans le grave comme on a l'habitude de l'entendre. La voix est jeune mais reconnaissable entre toute : c'est bien celle de Fred Gouin. Ce disque nous donne une idée plus concrète de la façon dont Fred Gouin chantait dans la rue.

 

Cette version de Margot est très intéressante car Fred Gouin réenregistra cette chanson en fin mai 1933 pour Odéon, l'enregistrement est devenu électrique. Dans cette deuxième version, il est évident que le microphone à son importance, on peut constater que la voix est plus posée, plus chaleureuse et chante plus dans le grave, ce qui lui permet de moduler bien plus sa voix. Le style est plus raffiné que dans la première version. 

  

Pour conclure .... Bien sur notre chanteur de genre s'est affirmé avec les années mais il n'est pas ténor. Sa voix est celle du baryton martin. C'est à dire qu'il est capable de passer d'un registre grave à un registre aigu sans difficulté mais il ne possède pas les aigus d'un ténor, même léger.

 

Note : Peut-être peut-on ajouter que d'autres chanteurs furent dans ce même cas, leur chant avait évolué avec l'arrivé du micro et semblait plus "barytonnant" ; Louis LYNEL et MARJAL.

 

Découvrez et écoutez Viallard ci-dessous :

Pour un baiser (Patierno)
Odéon "étiquette bleue" A.73408
Matrice Po 1249 (enregistrement acoustique)
Ca 1912
Collection Baudry-Marc.mp3
Fichier Audio MP3 2.4 MB
Margot reste au village (Zévaco & Corbeau)
Odéon A.73409 Matrice Po 1250
Enregistrement acoustique
Ca 1912
Collection Baudry-Marc.mp3
Fichier Audio MP3 3.1 MB
Margot reste au village
Odéon 166.664 (Ki 6047-1)
Enregistrement électrique - Fin mai 1933
Archives Sonores Samuel Marc.mp3
Fichier Audio MP3 2.7 MB

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Un peu d'histoire.

Une curieuse marque : Odéon.

Le but ici n'est pas de réécrire l'histoire de cette marque - nous serions bien incapable - qui est décédément très compliquée mais simplement d'évoquer la façon dont les marques pouvaient évoluer au fil des années.

 

D'autre part, nous trouvions qu'il était intéressant de parler de cette marque où Fred Gouin avait évolué tout au long de sa carrière, c'est-à-dire de 1912 à 1935.

Ci-contre : cette image a été obtenu avec le scanner avec "l'inversion des couleurs" afin de pouvoir vous montrer que dans la cire est inscrit "Made for fonotipia compagnie". La matrice inscrite à l'envers est également visible.

 

Ce disque nous permet de relater quelque peu l'histoire de cette curieuse marque de disques Odéon. Pourquoi curieuse nous diriez-vous ? Parce que ces débuts sont plutôt obscurs...

 

Faut-il rappeler qu'elle est née en Allemagne vers 1903 ? Oui l'on peut même ajouter que cette marque fut liée avec la Compagnie italienne Fonotipia et Phrynis. Une marque probablement d'origine suisse.

 

 

Ajoutons que dans les années 30, on trouve aussi une aliance avec la marque Parlophone allemande mais plus curieusement avec la firme anglaise Decca.

Fonotipia édita principalement des disques d'opéra à aiguille. Les artistes signaient de leur nom dans la pate même. Notons au passage que de nombreuses matrices furent éditées également sous l'étiquette Odéon "étiquette brune" , le diamètre des disques était le même.

Phrynis était le fabriquant de phonographes et de TSF pour Odéon. Il édita également des cylindres et des disques à saphir alors que tous ces phonographes ne lisaient que les disques à aiguille. Encore une bizarrerie de plus.

Revenons à Odéon. Cette marque fut la première à presser des disques à doubles faces. Jusqu'en 1908, les disques ne possédaient qu'une seule face gravée.

 

A cette époque les disques Odéon étaient matricés xP . L'étiquette portait la mention "étiquette brune". Le diamètre était de 27, 5 cm. Plus rares étaient ceux qui faisaient 19 cm et 40 cm .

 

Ensuite, le matriçage devint "Po", l'étiquette porta "étiquette bleue" et le diamètre fut plus habituel : 25 cm. Différentes couleurs d'étiquettes existèrent sur le marché : orange, bleue ....

 

Encore après le diamètre resta le même, la vitesse commença à s'uniformiser à 78 tours et les matrices furent précédées de "Ki".

Sous ces deux lettres se cacheraient l'abbréviation de la marque "KISMET" une autre marque allemande. Les enregistrements français auraient gardés le préfixe Ki alors que pour ceux venant d'autres pays prirent les abbréviations de : Be (=Berlin) pour l'Allemagne ; Kp (Kopenhague) pour le Danemark ; Zu (=Zurich) pour la Suisse ; Co (= Constantinople) etc.

 

Signalons qu'entre deux périodes entre 1926 et 1927, Odéon édita des disques à saphir dont aujourd'hui il ne subsiste que quelques faces ci et là.

 

Ces galettes comblaient une demande d'importance : ceux qui possédaient un phonographe à saphir.

 

Ces faces mesuraient 27, 5 cm tout comme les premiers disques Odéon et étaient matricés Sp.

Pour conclure quelque peu, ajoutons que dans cette histoire Odéonesque, Carl Lindstroem ingénieur allemand fut un personnage important dans l'histoire de cette marque puisqu'il déposa plusieurs marques comme Parlophone, Pantophone etc. Notons aussi que la compagnie constituée vers 1903 "International Talking machine C° M.B.H." devint la "Société Anonyme Régor" dans les années 20.

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Différentes étiquettes Odéon.

Etiquette "LUXE" (1908)
Etiquette "LUXE" (1908)
Etiquette "Bleue" publiée entre 1912-14 (matrice Po)
Etiquette "Bleue" publiée entre 1912-14 (matrice Po)
Etiquette "SONORA" de 1916
Etiquette "SONORA" de 1916
Etiquette de 1920 (matrices Ki)
Etiquette de 1920 (matrices Ki)
Etiquette des années 30 (matrices allemandes éditées sous label Parlophone
Etiquette des années 30 (matrices allemandes éditées sous label Parlophone