Fred Gouin à l'arrivée du cinéma sonore.

De la chanson au cinéma.

Fred Gouin fait partie de ces interprètes qui se sont entièrement consacrés à la chanson et cela malgré l’arrivée dans les années 1929-1930 d’un cinéma sonore, parlant et chantant.

 

Cet art, qui on le sait, en cette époque charnière, concurrença grandement la chanson et ses music-halls jusqu’à bouleverser les habitudes du public. En 1929, la France lance sur le marché seulement 8 films parlants, en 1930 elle en produit 98. Imaginez que devant cette nouvelle attraction certains établissements fermèrent définitivement leurs portes ou se transformèrent en « salles obscures ». Alors que beaucoup de vedettes de music-halls tels que Georges Milton, Henri Garat, Dranem, Maurice Chevalier vont participer à l’essor du cinéma sonore, d’autres plus « traditionalistes » ne seront que des témoins de ce bouleversement, que des « acteurs » modestes du lien entre les deux arts de par leurs obligations professionnelles. A travers son répertoire enregistré, à travers un court-métrage mais aussi par des prestations scéniques dans les cinémas, notre remarquable chanteur de genre fait partie de cette seconde catégorie.

 

Fred Gouin, comme tous les chanteurs dits « populaires » de son époque ensillonna différents titres « leitmotiv » directement tirés de films à succès tout comme il le fait alors pour les œuvres d’opérettes. Ces enregistrements sont évidemment des compléments promotionnels non négligeables pour les productions cinématographiques.

Prenons deux exemples de disques, entièrement conçus pour « illustrer » un film. Tout d’abord, le couplage de « Coucou » et de « La ronde des heures » sur disque Odéon 166.421 enregistré en février 1931 du film d’ Alexandre Ryder de 1930 « La ronde des heures » dont la vedette était André Baugé. Ensuite sous numéro de catalogue 166276, Fred Gouin grave courant 1933 « Marche des grenadiers » et « Paris, je t’aime d’amour » du film américain « Parade d’amour » de Ernst Lubitsch avec Maurice Chevallier et Jeanette MacDonald.

 

Fred Gouin , durant toute sa carrière, ne tournera qu’un seul court-métrage intitulé « Camelots de Paris ». Cette production, réalisée par un certain M. Pellegrin courant 1931, tournée en format 35mm, sonore grâce au procédé COMOPT (standart son optique) avait pour interprète –outre notre remarquable chanteur de genre- la chanteuse Yvonne Guillet (autre artiste Odéon (voir son nom dans notre rubrique « autour de Fred Gouin ») ainsi que le célèbre gastronome Curnonski (de son vrai nom Maurice Edmond Sailland né à Angers en 1872, décédé à Paris en 1956). Il y a quelques années, par courrier, Jean-Christophe Averty le célèbre animateur pendant plus de 20 ans de l’émission radiophonique « Les cinglés du music-hall », nous avait apporté de précieux renseignements sur ce court-métrage dont nous n’avons à l’heure actuelle retrouvé aucun documents d’époque ni synopsis précis :

« Voici quelques précisions : « Camelots de Paris » film parlant, sonore et chantant, firme productrice Studio Apollo Pellegrin et Cie 4 rue de Puteaux à Paris ; durée totale 20 minutes dont une durée sonore de 11 minutes et 20 secondes se répartissant ainsi : Partition orginale de Paul Devred fils (7’20), « Adieu ma mie » orchestra (1’30), « Adieu ma mie » de Paul Devred (2’30) plus 8 premières mesures de « La valse brune » de Georges Krier. De plus le film était composé de 3 monologues : « La camelot beau parleur », « Le camelot illusionniste » ainsi que « Le camelot scientifique » qui étaient dus à la plume de Pierre Pellegrin. Le film était sorti (en complément d’un long métrage) courant aout 1932 dans la salle « Le Colisée » installée 38 avenue des Champs-Elysées. La copie définitive était prête dès le 6 juin 1932. Le court-métrage « Camelots de Paris » a été aussi projeté en Belgique en février 1934 au cinéma « Astral » situé 17 rue du progrès à Bruxelles ».

 

Nous constatons que, pour conclure avec ce petit film « mystérieux », aucun des deux chanteurs de ce court-métrage à savoir Fred Gouin et Yvonne Guillet n’ont enregistré de chansons se prévalant de « Camelots de Paris ». Enfin, aucune copie n’est existante aux Archives du Film de Bois d’Arcy.

 

En 1929, notre chanteur populaire effectue une tournée au sein des « Circuits Paramount » fameuse société de production cinématographique (voir notre rubrique « Fred Gouin sur les planches »). Il se produit à cette occasion au cinéma Familia de Lille (plus de 1200 places) du 5 au 12 avril puis au cinéma Opéra de Reims du 19 au 25 avril (petit bijou de 1450 places, salle de spectacle à l’époque victime du …. Cinéma parlant) dont seule la très belle façade est aujourd’hui conservée. Début septembre de la même année, c’est à l’Excelsior que notre remarquable chanteur de genre fait entendre son répertoire traditionnel. Ces prestations d’une durée d’une heure maximum précédaient systématiquement la diffusion d’un long-métrage.

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 Fin 1934, Fred Gouin, lors d’une tournée dans la région parisienne, se produit au cinéma Splendid de Choisy-le-roi, établissement qui a totalement disparu aujourd’hui. Au début de l’année suivante, il interprète son répertoire au cinéma Le Capitole 10 rue Jean Jaurès à Villejuif. Dans cette salle de 923 places épuipée d’une scène, Fred Gouin s’y est produit en s’accompagnant à la guitare et cela en attraction du film « La veuve joyeuse » avec Maurice Chevalier.

Loin d’un Georges Milton ou d’un Henri Garat qui jonglaient à merveille entre le monde de la chanson et celui du cinéma, Fred Gouin resta fort discret avec le 7ème art se contentant d’un court-métrage dont plus aucune copie ne semble subsister aujourd’hui.

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Sources.

 

  • « Catalogue des films de fictions de première partie » de MM Raymond Chirat et Jean-jacques Romer publiée par la Cinémathèque en 1984
  •  Revues : « Phonoscopies » de Gérard Roig
  •  Courrier de Jean-Christophe Averty du 15 mars 1999